Le 10 mai 2023.  Face Nord de Theysachaux

Pourquoi m'attire t-il, le raccourci du ciel ? 

La pente m'effraye, me prend, "m'insomniante", me persécute et m'enrichi !  c'est la fin de la mort inexistante de la jeunesse, l'âge prend tout son temps mais n'efface pas le passé. 

Le premier virage m'en doute à chaque fois, elle est comment cette  neige, elle est ou cette plaque à vent, elle est ou cette plaque de glace ? Vais-je pouvoir la tutoyer jusqu'à son bas ? Vais-je devoir l'apprivoiser de tout son long ? Me pardonnera-t-elle de la défigurer ? De la tracer, de l'usurper, de voler son présent ? 

 

Le raccourci du ciel, c'est droit haut dans le couloir... la chute c'est le moyen le plus rapide d'y arriver ...

 

Le rite à lieu… toujours, sans détours, dans le respect et la conscience de vouloir bien faire... à l'intérieur de moi... à la porte de l'âme.

La veille, je cajole mes skis. Je farte, j'aiguise, je peaufine, je "minutieuse", je prend mon temps, à la lumière de ma frontale dans ma cabane à ski. Le rite subit le temps, le bonhomme subit l'âge, le poids des années et les cernes de la vie.

À chaque fin de saison sera la dernière, peut-être une de plus mais rien de plus. Le doute revient toujours à l'esprit aux premières neiges d'automne.

Il sera bientôt temps de réfléchir, depuis le temps. Il faudra que j'arrête de jouer au fou. La pente deviendra moins accueillante et plus pentue, je garde l'image de la jeunesse mais subit les affres du temps.

L'approche reste une démarche enrichissante et accueillante si elle n'est plus trop longue. Les genoux s'appuient nettement sur la pente, le piolet s'enfonce plus profondément, la trace du raccourci semble longue et le cheminement balbutiant.  Mettre les skis est une affaire sérieuse, le premier virage est timide, douteux, silencieux… comme le vélo, l'oubli n'existe pas... et la chute non plus !

Tout de suite après le premier virage, la descente est belle, prenante, apaisante. Je m'en veux d'avoir douté,  je pourrais m'enorgueillir de l'instant...  merci sans façon, je suis de moins en moins pressé de respirer le plat, je veux vivre cette pente encore un instant.

 

Après, l'air est tellement plus pur, le ciel tellement plus bleu… c'est fou ce que cette journée est belle.

 

Le souvenir de 1986 reste présent, toujours, comme un pied dans une porte…  des skis de 2,10 m. pesant une tonne, pente à 50°, 30 de poudre quand l'avalanche m'a happé et m'a enfermé 700 mètres plus bas. En ce jour j'ai appris à voler dans le ciel et à calmer mes ardeurs de pente.