Nouvelle voie sur le Combin de la Tsessette 4135 mètres, par la face Nord. 16 & 17 juin 2023  Avec Benjamin


Introspection de l'âme

 

Prologue. 

 

 

Le Combin de la Tsessette par sa face nord…  tellement inutile.   

Mais c'est tellement plus beau quand c'est inutile. Si je me contente de la regarder, elle ne rejoindra jamais mon possible.

C'est lourd la montagne quand tu ne sais pas ce qui t'attend, beaucoup de matos, c'est le retour des âmes libres qui prennent de la place dans le sac.

Alors on y va. Juste pour la voir cette face qui nous ensorcelle. 

Vendredi 16 juin 2023

Départ de la cabane Brunet pour une virée de 4 heures avec un sac de plus de 20 kilos. Matos bivouac complet pour survivre dans le frigo de Corbassière. Matos glacier pour survivre à une chute en crevasse. Matos d'assurage pour on ne sait jamais. Matos rappel pour si toutefois.

L'ambiance est bonne et plutôt décontractée.

Cela fait un bon moment que l'on a pas fait de course en montagne avec l'ami Ben. On a des choses à se dire, des gags d'ados, des futilités sympathiques et des vérités intelligentes.

On a des épaules à courbaturer… et le Becca de Cery à contourner.

Sur la passerelle on cherche le glacier. Son front recul. Il nous montre plus sa langue… mais son cul. Qui s'éloigne chaque été un peu plus… comme s'il voulait s'en retourner d’où il vient...   dans le jadis du monde.

Samedi 17 juin 2023

Un bon matelas gonflable t'isoles de la glace du glacier, encore faut-il qu'il soit entre ton corps et la neige.

Quand tu as froid, ce n'est pas les tremblements qui te font mourir, c'est les bras qui tombent.

4h30: j'écoute le réveil en regardant s'éteindre une à une les étoiles dans le ciel, une musique que j'attendais depuis des heures...  dans mes songes éveillés, frigorifié, dans mon sac d'été.

Faire de l'eau avec du gaz, on a pas encore trouvé mieux pour remplir les gourdes quand on est pressé, mais notre cartouche elle… est repartie se coucher. Et nous nous contenterons de 3 dl d'eau sableuse et rouge, mélangée à un sachet de thé dilué. On va bouffer du chinois toute la journée, heureusement ils sont bien assez.

Nos neurones encore en mode repos nous envoient sur la directe du Tournelon Blanc et sa pente perturbée et reptationnée en 2019, nous voici dans un dédale de crevasse et de pentes raides improbables et surtout mal imaginées avant de partir. La journée ne fait que commencer, restons forts.

 

Au col du Tournelon, notre objectif s'éloigne dans l'inaccessible . Les Mulets de la Tsessettes font barrière, Nous montons sur le dos des mulets et passons sous la barrière… pour se mettre à niveau, rester sur la voie!

Infatigable curieux le Ben, nous ouvre la voie en découvrant un passage docile et subtile.

Cramponnons sur le fil de l'arrête...  la glace est en neige, la montée est dure, c'est facile, le pas adroit, et la vue à gauche...  dans la face nord. Vide et abrupte ou seul l'aigle s'y aventure… et Paul Bonhomme à ses heures.

 

Nous voici sur l'avant dernier étage du ciel. Dernière étape avant l'univers sidéral... subtile transition entre le bas qui dort et le haut qui vole.

Le replat en dessous des séracs... posés là par le temps, en équilibre dans le vent, surplombants… et menaçants.

Sans se demander, sans se regarder, sans parler, on continue la voie de la Tsessette sur cette terrasse vierge. On va se la faire à la hussarde, vite fait et on s'en fout si c'est mâle fait !

On conjure le sort… Si on s'en sort, on sera dehors… dans le corridor.

 

Quand la soif dégouline de ton corps, tout est sec, collant, épuisant. Ton pas est lourd, lassant...  ta conscience ralenti, ton cerveau mollit. Enfant, je lisais les aventures de Tintin dans le désert, j'me disais que s'était dur d'avoir soif.

En fait c'est pas si terrible… mais ouvrir une bouche qui colle, demande une volonté presque insupportable que je ferais mieux d'utiliser à mettre un pas devant l'autre.Celui de devant qui passe à l'arr ière et l'autre qui glisse devant.

On apprivoise le dénivelé dans la soif et l'altitude dans la volonté.

On remet les peaux.   Le chuchotement lent et régulier recommence, mais le cœur s'ouvre à l'ouvrage. Plus de doute, on sait que Tsessette est à portée. Avec une corde  qui nous relie, pas besoin de parler, le lien est fort, union synthétique orange qui devient ligne de vie.

Le Ben, il m'énerve. Sans lui j'aurais abandonné depuis longtemps, je lui en veux d'avoir eu raison. De m'avoir forcé le pas.  Il est fort ce petit jeune, pas seulement pour faire la trace !

Sur ce glacier en suspension dans le ciel, le monde est à l'envers, comme tombé sur la tête.

Le vide t'englouti par le haut. Si tu tombes, c'est dans le ciel que tu t'en  iras, tu flotteras à jamais dans le vide ultime. Comme une comète en errance, aspirée par l'attraction et poussée par les soleils. Mes copines les étoiles se marrent et je lâche quelques discrets sanglots. Heureusement Benjamin est à l'autre bout de la corde… qui nous uni… encore un peu plus… il n'a rien vu, ouf ! je reste un homme bête.

 

Assis au sommet. C'est le silence de la fin. Le générique défile en pleine introspection de l'âme. A quoi bon prendre une photo, on est là vivant, sans pouvoir faire le tour de l'horizon.

Descente par le célèbre corridor... Trop crevassé, trop massacré par des séracs, trop laborieux et trop lent. C'est au plateau du déjeuner que les langues se délient, que la concentration se relâche et que nos regards se recroisent du sourire.

Le ciel ne commence pas à 4135 mètres en dessus de la mer. Il commence en plaine, dans les rêves, dans la préparation de la course, dans les doutes et l'espérance.

Demain, le vide ne sera plus le même, il ne durera que l'instant qu'il nous faudra pour construire le prochain sommet.

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Voici quelques réflexions avant de se lancer dans l'aventure. Sur la fréquence des chutes de séracs par secteurs au Grand Combin.

à voir aussi: étude sur le glacier d'Otemma

Zones d'accumulations susceptibles d'influencer la chute des séracs au Grand Combin.

Grosse zone (beaucoup de neige) sur le haut glacier avec les directions de pente qui poussent le glacier vers le bas par le poids de la nouvelle neige. On voit très nettement l'influence des chutes de séracs fréquentes sur le bas du corridor et quasi rien sur le haut.

Pour les séracs en-dessous de la Tsessette, il devrait avoir très peu d'influence sur le haut et un peu plus sur le bas. (moins de poids de la zone d'accumulation et moins de surface) 

Comme la pente raidi sur le bas, on pourrait imaginer que sa dérive et accélère le flux dans le sens de la pente ?

On pourrait même imaginer concevoir un modèle informatique qui calcul en temps réel avec les précipitations, les angles, températures et raideur de pente la dangerosité et la fréquence du phénomène.

Des théories de vieux con qui se pose beaucoup trop de questions ?

 Vas-y, dis moi se que tu en penses ?

 

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