Glacier de Pro (Bourg-saint-Bernard)
Bourg Saint Bernard 1950 mètres. Parodie de notre déchéance.
Aujourd'hui jeter son mego de cigarette en ville ou une canette par la fenêtre de sa voiture coûte 300 fr.
Mais depuis 2010 les installations de Bourg Saint Bernard pourrissent à l'air libre.
La montée sur l'ancienne moraine est rude mais encore au frais. Le plat de Pro vers 2800 mètres m'ouvre la porte des cailloux... et des bouquetins sur l'amas de cailloux qui enferme le glacier à environ 2 mètres sous les rochers.
Glacier de Pro, le loser du temps qui passe.
Le Glacier de Pro me fait penser à un vieillard vide et blafard, qui jaunit aux soins palliatifs d'un EMS en attendant un proche qui ne viendra jamais.
Oublié du monde prestigieux des alpinistes conquérants. Il s'est posé là par hasard, dans le froid du petit âge glaciaire. Un peu comme une fourmi qui fait son nid dans un poulailler .
En juillet 2023. J'y suis passé dessus sans le voir, en montant grimper le Vélan par l'arrête Hannibal en solo. Motivé comme une montgolfière surchauffée en oubliant les bases essentielles du montagnard qui veut rester vivant.
Sur cette arrête pourrie et branlante de partout, j'avais de la peine à imaginer comment ce tas de cailloux pouvait encore tenir debout. Et surtout comment les dits cailloux ont fait pour finir en équilibre à l'endroit précis où mes mains s'agrippaient.
La règle des 3 prises qui fonctionne à merveille sur un rocher sain perd nettement de son efficacité sur un château de cartes. C'est au milieu de l'arrête que je constate à mes dépends que transformer une règle de trois en une règle de deux peut finir tristement en viande séchée au pied de la face. La corniche qui me réceptionne tient pourtant le choc et me rappelle à la sagesse essentielle qu'Il ne faut pas vaincre une montagne mais l'apprivoiser. L'important n'est pas le sommet mais la façon d'y arriver.
Pourtant je le sais et me le répète à longueur de temps.
Finalement cette journée est incroyablement magnifique, je sors mon picnic et reprend conscience de la chance que j'ai, d'être perché si haut et si vivant....
Et je le vois... Enfin... le glacier de Pro. 300 mètres sous mes pieds, à l'agonie, dans la chaleur de midi mais qui brille encore par un trou de souris. On se ressemble bien today. 2 Losers chanceux de survivre au temps.
Quand on gagne à la loterie on ne prend pas le risque de gagner deux fois. Je reporte prudemment le sommet en attendant d'être moins con.
Et redescend prendre pied sur ce glacier improbable.
Il est bien mal en point. Chétif et mourant, seul, à l'abri des regards, abandonné du ciel, abandonné du temps, abandonné du froid.
Recouvert de pierre, caché par les chutes, assassiné par le Vélan qui s'effondre dans la chaleur de la canicule. Il a perdu son blanc, perdu son lustre, reclus sous son manteau de roches qui l'enferme mais qui prolonge sa vie... Et sa souffrance.
OUI, le glacier de Pro se maintient tant bien que mal sur son plateau. Au pied du couloir Hannibal, du central et de sa dent. Une visite sur le site Glamos me confirme que tout le monde est d'accord. Il survit grâce à sa couverture de pierre qui l'isole de la chaleur des temps modernes.
J'estime sa surface vers 0,2 - 0,25 km2 (pas de source officielle) Entièrement recouvert de cailloux. Je suis finalement étonné qu'il fonde aussi vite. Il est exposé NO et vers 3000 m. d'altitude... Tout pour bien faire. pourtant, mais trop plat visiblement. A mon avis, il n'a jamais été épais. D'après les lignes de couleur sur les rochers environnent, j'estime à environ 50 m. maximum.
Autrefois il descendait fièrement sur Bourg saint Bernard. Mais je constate une fois encore que quand il y a une rupture de pente soumis au vent, le glacier meurt rapidement, plus alimenté par sa zone d'accumulation.
Quand la neige fond plus vite en été il perd sa blancheur. Les cailloux s'accumulent tranquillement et il finit par être totalement recouvert. Ironie de la chose, c'est la fonte qui le protège. Il est isolé de la chaleur par l'épaisse couche de gravats et sa mort devient lente. Son agonie va durer encore quelques années avant de clapser comme une minuscule bougie en fin de vie.
Je ne sais pas pourquoi, mais il ne me fait même pas pitié. Il est juste trop plat, trop étriqué, trop insignifiant.
Assurément il n'aura pas d'enterrement. Tout le monde s'en fout de cet avorton. Comme le pauvre vieux déshydraté et mourant dans son coin de chambre .
Greta ne sait même pas qu'il existe et ceux qui se collent les mains sur l'A1 non plus. Il me fait penser aux immigrés qui regardent leur zodiac se dégonfler au milieu de la méditerranée.
Triste temp, où notre croissance économique est plus importante que la vie d'insignifiant. Poutine s'amuse et nous on pisse sur le monde.
Et moi, je file me taper 3 génépis à la cabane de Plan du Jeux vers la seule gardienne qui sait parler aux veaux mais qui a peur des vaches...
La ligne rouge: limite du glacier vers 1820, limite verte en 1973, ligne bleue en 2016, ligne noire approximation en 2023
C'est très difficile d'avoir un aperçu clair des limites avec les cailloux qu'il y a sur la glace.
Dans les années 1800 la langue de glace descendait jusque vers 2500 mètres. La moraine est encore bien visible
Les parties hachurées de croix bleues, c'est le glacier recouvert de cailloux. A mon avis toute la partie du haut est également recouverte de cailloux.
Il n'y a pas de recensement officiel sur le glacier de Pro sur le site de Glamos.ch
A ski, le plat de Pro est intéressant également.
le couloir Hannibal, le couloir Central et le couloir Y, sans compter l'accès au Petit Vélan. Images ci-dessous: couloir Central au printemps 2019